Charles Braff a survécu à l’Holocauste. Aujourd’hui, du haut des ses 80 ans, ils nous raconte comment s’est passé son retour en Belgique. Le 3 Avril 2019, Témoignage de Charles Braff Un rescapé de la Shoah

Après la guerre, en 1945, l’atmosphère est mitigée. Les juifs survivants se cherchent dans tous les tous les pays dans le but de retrouver des membres de leurs familles. Dans les rues, il y a ceux qui sont euphoriques et heureux de s’en être sortis mais il y a aussi les écorchés vifs, rongés par la perte de leurs proches, anxieux de devoir tout recommencer. Charles a grandi à Anvers et est devenu tailleur de diamants. Cinquante ans plus tard, il nous confie quelques anecdotes avec une émotion poignante; un mélange d’humour et de drame. « L’atmosphère électrique qui régnait rendait les gens nerveux, mais pouvait-on leur en vouloir après tant d’horreurs vécues ? » À présent, avec son regard d’adulte, il réalise pourquoi les gens étaient si sensibles à cette époque. « On ne pouvait pas vivre normalement après un tel calvaire », dit-il.

Un climat tendu « À notre arrivée en Belgique, mon père s’était mis en tête de retourner en Pologne afin de retrouver des maisons ayant appartenues à notre famille. Mais ce qu’il ne savait pas, c’est qu’il y avait eu des pogroms entre 1945 et 1947. Lorsqu’il voulut entrer, il se fit agresser, rouer de coups et insulter, traiter de « sale juif ». Les nouveaux propriétaires le poursuivirent jusqu’? sa fuite et son retour en Belgique, où il réalisa que les polonais aidaient les nazis à tuer les juifs. » « Il n’y a pas de pays sans antisémitisme.» « À Anvers, nous habitions au premier étage d’un vieil immeuble. Avec mes amis, nous jouions dans la rue avec une balle en mousse, et soudain, un habitant de l’immeuble se mit à hurler parce qu’on le dérangeait. Il était pourtant juif, mais très irrité par le bruit de nos amusements. Il se mit dans une colère folle à en perdre la raison, puis nous jeta un pot d’urine par la fenêtre de son balcon. Certaines personnes, à cette époque-l? , étaient vraiment très énervées. À l’école primaire où j’allais –une école juive-, mon prof d’hébreu, M. Mittleman, portait un numéro tatoué sur le bras. Il s’énervait pour un rien et nous tapait sur le bout des doigts avec sa règle, il cognait sur tout ce qui bougeait ! Tous les élèves et moi-même d’ailleurs, le détestions, mais en fait, c’était lui la première victime. Finalement, on ne peut pas en vouloir à des gens comme ça. Ce qu’ils ont vécu se répercute un jour où l’autre, mais ça, on ne le réalise que maintenant. » Errants et vagabonds sur les traces de leurs proches « De nombreux juifs erraient dans les rues, cherchant leurs parents, les membres de leur famille qu’ils avaient perdu. Ils auraient tout fait pour les retrouver. Ils parcouraient tous les pays, frappaient aux portes de leurs anciennes habitations. Ils s’aventuraient sur les traces des gens ayant été dans les mêmes camps.

« Un jour, j’ai accompagné mon père dans une agence immobilière, afin que nous puissions trouver un nouvel appartement. L’agent nous a clairement dit : « On ne loue pas à des juifs ».»




Mon oncle, qui a perdu son fils à Auschwitz, a mis cinq ans pour apprendre la rude façon dont il fut tué. Ayant retrouvé le témoin de sa pendaison, celui-ci lui expliqua que les allemands l’avaient pendu par les pieds pendant deux jours jusqu’? ce que mort s’en suive. » Léon Weinberg, un déporté d’Auschwitz « Ayant atteint l’âge adulte, j’ai rencontré Léon. Il avait vécu dans les camps. À l’époque, peu de gens voulaient en parler. Il m’a finalement confié son histoire et ce qu’il avait vécu. Sa situation était vouée à l’échec mais il s’en était finalement sorti. « C’était comme une boîte qui s’ouvrait et qui se refermait, mais il n’oubliera jamais. » Dans les camps, les nazis l’avaient désigné pour l’horrible corvée de transporter les cadavres des chambres à gaz aux fours crématoires. Les juifs de ce service, le « Zondr Commando », y étaient placés pour un bol de soupe ou un quignon de pain en plus. Lorsqu’ils entraient dans ce service, ils n’avaient que 3 mois à vivre. Leurs sorts étaient le même, ils travaillaient jusqu’? épuisement. On leur donnait l’espoir de vie jusqu’au bout, et après ils étaient fusillés. Les allemands ne voulaient pas de témoins vivants. On leur donnait un savon en leur faisant croire qu’ils allaient prendre une douche. Lorsque les SS déclenchaient le gaz, le gaz tombait au sol puis remontait vers le plafond. Les gens grimpaient, l’un sur l’autre, portant leurs enfants à bout de bras, afin de respirer le peu d’air qui restait. Léon se souvient des pyramides de corps qu’il découvrait à chaque fois qu’il ouvrait la porte des chambres à gaz. Un jour, Léon fut appelé dans les bureaux, pour transporter le corps d’une femme que les allemands avaient frappée à mort. En descendant les marches des deux étages, en la portant par les pieds derrière son dos, la tête du corps de cette femme se cognait lourdement sur chaque marche précédente, rebondissant et provoquant un bruit sourd et résonnant à la fois.

Cette image et ce bruit affreux, qui le rendit fou, poussa Léon à s’enfuir des camps. Il posa le corps sur les autres corps entreposés et alla se cacher dans un énorme tuyau de canalisation. Il y resta pendant deux jours planqué au milieu des rats. Finalement, il sortit du tuyau, alla se cacher dans un cami on transportant des corps, et rejoignit grâce à D. les siens. Cette image me semble être un des pires tableaux de tout ce que je vous ai raconté. Cet homme n’en avait jamais fait part à sa famille. C’était comme une boîte qui s’ouvrait et qui se refermait, mais il n’oubliera jamais. » .

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